Fonte du Pergélisol : le dégel qui nous glace.
La cryosphère:
La cryosphère désigne toutes les portions de la surface terrestre où l’eau est présente à l’état solide, incluant la neige, les glaciers, la glace de mer, et le permafrost. L’état de la cryosphère est un déterminant majeur du climat. Nos émissions de gaz à effet de serre constituent une bombe humaine à retardement. Le problème est que faute d’études suffisantes, nous ne connaissons pas la longueur de la mèche!
Cet article est constitué d’extraits de l’émission : CQFD sur France Culture
Entretien de Florent Dominé, directeur de recherche au CNRS et Laurent Orgogozo maître de conférence au laboratoire Géoscience Environnement Toulouse.
Une partie de la Cryosphère: le pergélisol.
Le pergélisol recouvre 15 millions de kilomètres carrés, c’est à dire une surface supérieure à la Russie. Il s’agit d’un sol gelé en permanence et en profondeur. Des débris végétaux se sont accumulés pendant des dizaines, voire des centaines de milliers d’années, sans que les bactéries ne les décomposent du fait du gel d’hiver. Ces composés organiques, sont des précurseurs de gaz à effet de serre et, s’ils sont réactivés par la chaleur et que les bactéries les décomposent, ils peuvent devenir des émetteurs très importants de gaz à effet de serre. Les scientifiques estiment que la quantité de CO2 piégé dans le permafrost équivaut à 4 fois celle que les activités humaines ont émises depuis le milieu de dix-neuvième siècle. Si le pergélisol dégèle et libère sa matière organique en condition aéré, il libérera de dioxyde de carbone, si la matière organique est libérée en milieu anoxique, c’est à dire sous l’eau, elle libérera du méthane, qui est 23 fois plus réchauffant que le dioxyde de carbone. D’ici à 2100, suivant les différents scénarios du GIEC, le permafrost devrait perdre de 40 à 90% de sa surface.
Disparition de la cryosphère ?
Pour Florent Dominé, ces scénarios, issus de modélisation informatique, ne prennent pas en compte de nombreuses rétroactions qu’il observe, en tant que géophysicien, sur le terrain et ces phénomènes accéléreront encore le réchauffement . Le rapport du GIEC de 2019 évoquait une grande incertitude concernant la cryosphère mais il mentionne, dans son scénario pessimiste, une disparition totale du permafrost en 2080. Si toute la matière organique du pergélisol était transformée en CO2, l’augmentation de ce CO2 dans l’atmosphère serait multiplié par 2,5 et le réchauffement serait de l’ordre de 10 degrés. La boucle de rétroaction est un sujet en cours d’étude car elle risque de devenir un point de bascule pour le climat.Tout les vents, les courants océaniques seront perturbés, nous serons sur une planète qui sera, au niveau biologique et au niveau géophysique, totalement différente et le comment les humains pourraient s’adapter à une telle éventualité est un gros sujet d’inquiétude. Selon une récente étude, parue dans la revue Nature Climat Change, le point de non retour, concernant la fonte du permafrost est imminent et pourrait être atteint beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait. Le point de bascule va dépendre de beaucoup de variables en cours d’étude actuellement.
Risque sanitaire:
Il existe aussi un risque sanitaire concernant les virus et les bactéries qui pourraient se retrouver à l’air libre, du fait du dégel. Concernant les bactéries, elles devraient être sensibles aux antibiotiques car elles ne les auront jamais vues. Par contre, concernant les virus, c’est l’incertitude et des recherches portent également sur le sujet.
Réduire nos émissions :
Pour préserver la cryosphère et éviter l’explosion de cette bombe humaine, les chercheurs n’ont qu’une seule solution pour retarder le dégel du pergélisol : réduire nos émissions de gaz à effets de serre.
Le service Copernicus et les autres centres d’observation de la température mondiale viennent de le confirmer. 2024 est bien l’année la plus chaude jamais enregistrée. Ce qui n’était qu’anticipation est devenu réalité : la hausse de la température mondiale relativement à l’ère préindustrielle a légèrement excédé 1,5 °C en 2024.
Un des facteurs essentiels de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sont la réduction des inégalités sociales sur la planète. Le rapport scientifique qu’ils citent nous explique que les 1% les plus riches de la planète, émettent une proportion incroyable de gaz à effet de serre, de l’ordre de 25% . Le manque de taxation de ces grosses fortunes est responsable, pour une grosse partie, des émissions de gaz à effets de serre.
Aller chercher les moyens pour désamorcer la bombe:
1,5% pour 1,5 degrés: si on taxait à hauteur de 1,5% le patrimoine des 1,5% des millionnaires qui gagnent plus de 100 millions de dollars par an, cela fournirait 300 milliards de dollars, ce qui correspond aux besoins pour limiter les impacts du changement climatique. Malheureusement,lorsque l’on écoute les dirigeants actuels de la planète,cette solution n’est absolument pas dans l’air du temps.
Il n’est pas trop tard mais nous sommes dans une dynamique ou il ne se passe pas grand chose, les émissions continuent à augmenter : il faut changer le logiciel, arrêter cette croissance, ces écarts de ressources financières, avec le logiciel actuel, nous n’y arriverons pas. Il faut se préparer aussi au réchauffement inéluctable pour en limiter les dégâts.