Accouplement de sauterelles sur une feuille.

Dimorphisme sexuel:

Ce dimorphisme sexuel, c’est à dire une différence morphologique importante entre mâles et femelles, est le signe d’une compétition sexuelle élevée. Cette compétition sexuelle importante débouche sur des organes et des comportements hypertéliques, c’est à dire, démesurés par rapport à leur fonction initiale. La diminution de ce dimorphisme sexuel, lorsque les mâles se retrouvent en danger, permet ici de sauver l’espèce.

 

Sexualité des insectes.

Les insectes  sont estimés à 10 milliards de milliards sur notre planète et ils ont tous une vie sexuelle, parfois foisonnante…Pour le naturaliste, Marc Giraud, l’homosexualité a, par exemple été découverte sur des coléoptères, les mâles copulant entre eux. A cet époque, pour les chercheurs, il s’agissait de comportements aberrants. Ils ont donc pensé qu’il s’agissait d’un manque de femelles. Ils en ont  rajouté mais, têtus, les mâles ont poursuivi leurs accouplements, jugés déviants. Depuis, les découvertes de mœurs homosexuelles  se sont multipliées chez de nombreuses autres espèces animales et la bisexualité semble être le mode d’accouplement le plus naturel chez les animaux.

 

La sexualité des sauterelles:

Les stridulations de certaines grosses sauterelles atteignent les 105 décibels et sont un signal d’invitation des mâles pour l’accouplement. Durant cet accouplement, le mâle transfère le contenu de son spermatophore dans l’appareil reproducteur des femelles en échange, souvent, d’un cadeau nuptial qui consiste en un autre insecte, ou en son propre sang. Ces calories seront précieuses pour assurer la survie de la femelle durant la ponte des œufs.

 

La reproduction des grillons champêtres du Pacifique.

Sur certaines îles d’Hawaï, les grillons champêtres du Pacifique,Teleogryllus oceanicus , de son petit nom scientifique, les mâles stridulent pour attirer les femelles et impressionner les autres mâles. Sur d’autres îles voisines, ils ne stridulent plus. Marlène Zuk, professeure en écologie de l’évolution et en écologie comportementale à l’Université du Minnesota a constaté qu’une mouche parasitoïde le repérait, dans ces îles là, du fait de cette stridulation, et pondait ses larves sur son dos. Ces larves pénétraient alors dans son corps et dévoraient ses organes vitaux.

Diminution du dimorphisme sexuel: les mâles se féminisent, l’espèce est sauvée.

La chercheuse a constaté que les ailes des mâles se sont, depuis, modifiées. Elles sont devenues plates, comme celles des femelles et n’émettent plus de son, c’est à dire de signal d’accouplement. En 5 années, à raisons de 3 à 4 générations par an, ces animaux auraient muté pour assurer la survie de l’espèce. Leurs appareils stridulatoires, composés d’ailes aux structures en reliefs, se sont modifiés et son devenues plates,comme celles des femelles. Le dimorphisme sexuel , à savoir la différence entre mâles et femelles , liés à la compétition sexuelle, s’est amoindri, assurant ainsi la survie de l’espèce.

 

Deux hypothèses :

 

La formule épigénétique

Deux hypothèses , au moins, sont possibles pour expliquer le phénomène. La formule épigénétique : le stress provoqué par cette situation à multiplié les mutations et l’environnement modifié par les parasitoïdes, a « choisi » les ailes plates. Ces ailes plates avaient peut-être déjà existé dans le patrimoine génétique de l’espèce, avant la mise en œuvre du dimorphisme sexuel et donc, put réapparaître plus rapidement à la faveur de mutations. La mutation suppressive du chant est d’ailleurs due à un seul locus lié au sexe. Le temps pour cette mutation paraît cependant très court, au regard de l’importance du changement physiologique.

 

Diminution drastique de l’Hypertélie:

Une autre hypothèse, qui a ma préférence : les mâles discrets, qui devaient être moins sélectionnés avant la prédation, ont perpétré leurs gènes. Par contre, les grillons aux mœurs ostentatoires et donc risqués, parce que repérables par la guêpe parasitoïde, mouraient. A priori, le nouveau mode de « signal amoureux » consiste en ce que 10% des mâles stridulent encore et permettent aux mâles silencieux de se positionner tout près, pour bénéficier de l’appel à accouplement sans encourir de péril. Ces mâles devaient déjà réussir à se perpétuer « en cachette » avant l’attaque des parasitoïdes. Certains jeunes éléphants de mer agissent ainsi, qui profitent des combats de mâles dominants pour des accouplements brefs et discrets leur permettant de préserver leur intégrité physique.

La prudence des guêpes parasitoïdes:

Cette stratégie d’adaptation semble plausible car les parasitoïdes sont utilisés en agriculture dans le cadre de la lutte biologique. Les éleveurs savent que la population visée par les parasitoïdes diminue drastiquement mais ne disparaît pas. Il s’agit d’un mécanisme de survie qui permet d’éviter que les prédatés, ici les grillons , qui servent de support à la reproduction des parasitoïdes, restent assez nombreux pour transmettre les gènes de ces parasitoïdes.  Je ne connais pas ce mécanisme de survie précis mais il me rappelle le dispositif de régulation à l’intérieur des ruches. Mon expérience d’apiculteur amateur m’a appris que le nombre de pontes de mâles dépend de la météo et de la capacité des abeilles à nourrir les membres du rucher.

 

 

Le paradoxe du LEK: à quoi ça sert?

Pour Thierry Lode, selon la théorie des bons gènes, les préférences se répéteraient inlassablement vers les mêmes indicateurs et, donc, vers les mêmes individus porteurs. Le choix réitéré à chaque génération, l’entière population devrait montrer un patrimoine génétique restreint. Cette réduction inéluctable de la variation et, par conséquent, du choix est un processus connu sous le nom de paradoxe du LEK. Plus la sélection opère la ségrégation d’un caractère, plus le panel de choix diminue. Alors, comment expliquer le maintien de la diversité génétique, cette diversité qui garantit que les femelles aient encore un choix ?

Chez les humains:

Cela me rappelle la lecture d’un livre de psychologie sociale qui évoquait le processus d’appariement chez les humains. Les auteurs, Kenneth et Mary Gergen, affirmaient que la majorité des gens ne recherchaient pas ardemment la plus belle créature qu’ils puissent trouver, même s’ils désiraient plutôt quelqu’un de beau, ils tenaient compte de leurs propres chances de conquêtes. C’est sûrement très complexe mais il doit exister des paramètres multiples.

Objectif: le succès de la reproduction.

Joan Roughgarden, une biologiste américaine, spécialiste de l’écologie comportementale et de la biologie des populations, assure, dans son livre « Le gène généreux », que la sélection sexuelle ne serait pas principalement l’accès au partenaire mais aurait comme objectif le succès de la reproduction. Elle a pour rôle principal de rééquilibrer le portefeuille de variations génétiques d’une espèce pour pouvoir répondre continuellement à des circonstances modifiées et ceci, par la reproduction sexuée. L’objectif est de maximiser le nombre de descendants et non la qualité génétique : la concurrence entre les partenaires y est donc d’importance secondaire.

Paradoxe du LEK pour le grillon champêtre du pacifique:

Ici, pour le grillon champêtre du pacifique, nous pouvons émettre l’hypothèse que les femelles ne choisissaient pas toutes les grillons les plus tapageurs mais, que certaines d’entre elles, donnaient leurs préférences à des candidats discrets. Cette discrétion qui devient, maintenant, un adjuvant de survie pour l’espèce.  Nous observons ici l‘utilité de la sexualité qui préserve la biodiversité .

 

 

Adaptation pour la survie: une leçon d’humilité.

La survie de cette espèce montre l’adaptation du système de reproduction et le maintien de son efficacité malgré une diminution drastique des caractères hypertéliques des mâles. Le signal sexuel acoustique ostentatoire devenant trop coûteux du fait d’une modification de l’environnement, provoque un handicap pour la survie de ces mâles et donc, pour celle de tous leurs descendants. Ici, comme d’habitude, la survie de l’espèce a primé sur la survie des individus de l’espèce.

 

 

Un autre exemple: Les babouins du Kenya:

Il s’agit de la recherche de Robert Sapolsky, neuroendocrinologue, professeur à l’Université de Stanford, sur une colonie de babouins au Kenya, dans la réserve nationale de Massai Mara. L’objet de sa recherche consistait en l’observation de la relation entre leur comportement social et leur place dans la hiérarchie de pouvoir. Ceci  est mis en lien avec le degré de stress social qu’ils ressentent et la façon dont leur corps y réagit. Les déchets d’une décharge, provoquée par l’industrie du tourisme a progressivement remplacé leur alimentation habituelle. Elle a provoquée des changements physiologiques délétères mais également le décès de certains de ses membres qui avaient ingéré de la viande contaminée, notamment les mâles alpha, en faible nombre, mais qui détenaient jusqu’alors le pouvoir. L’organisation de la colonie, jusqu’ici fortement hiérarchisée, caractérisée par un niveau de stress faible pour les mâles dominants et un fort niveau de stress pour les mâles dominés et les femelles, s’est alors transformée : les femelles et les mâles bêtas se partageant les décisions dans un esprit de coopération, Robert Sapolsky constata que les marqueurs de stress baissaient notablement pour cette population et que leur santé s’améliorait.

Un exemple supplémentaire:

Une autre espèce de singe, transportée d’Asie vers un îlot d’Amérique centrale, par un scientifique, pour le confort de sa recherche, a modifié son comportement suite à un événement. Un ouragan a arraché les arbres de l’île qui permettaient aux singes de se protéger du soleil. Ces singes territoriaux, jusqu’ici fort jaloux de leur coin d’ombre, se sont mis à coopérer pour permettre aux plus jeunes et donc aux plus fragiles de bénéficier des maigres zones d’ombres persistantes.

Inspiration pour homo-sapiens?

Homo-sapiens est exposé à un effet paradoxal: un mécanisme de survie des espèces sexuées se retourne, pour lui, en un facteur de risque d’extinction. Les deux causes principales de ce phénomène sont la puissance de son cerveau et de son incompréhension du mécanisme qu’il subit. En effet, l’ hypertélie est un phénomène sélectionnant habituellement des sujets capables de survivre malgré des organes handicapants, donc particulièrement robustes. Elle permet aussi d’élargir la diversité biologique de l’espèce en explorant les frontières du possible. Pour notre espèce, cette hypertélie, du fait de la puissance de notre imagination, détruit son environnement et met sa survie en danger. En comprenant le mécanisme de sélection sexuelle en œuvre, nous devons pouvoir nous adapter pour préserver la planète qui nous sert d’habitat unique. Puisse les exemples cités plus haut inspirer Homo-Sapiens pour diminuer, lui aussi, ces organes hypertéliques externalisés (avions privés, yacht, voitures et maisons hypertrophiées, objets ostentatoires…) et les comportements qui leurs sont associés. Le temps presse du fait de l’inertie du climat et de son effet retard. Agissons collectivement, pour être au moins à la hauteur de l’intelligence d’adaptation des grillons.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *