
La révolution anthropologique du néolithique selon Marcel Otte

Avant la révolution anthropologique: l’humain en harmonie avec la nature: Chevaux de Lascaux.

Après la révolution anthropologique: l’humain domine la nature: phallus érigés du site de Karahan Tepe.
Pour le paléoanthropologue Marcel Otte, le passage du paléolithique au néolithique a constitué une révolution anthropologique.
Cet article est constitué à partir de l’émission L’entretien archéologique sur France Culture et concerne les religions de la préhistoire.
Apparition des dieux au néolithique.
Marcel Otte s’est particulièrement intéressé au lien entre art et pensée dans l’évolution humaine. Pour lui, la pensée est un facteur évolutif et l’anatomie et l’environnement s’adapte à l’évolution de cette pensée. Il distingue ici, la religion de la métaphysique et de la mythologie par la présence d’un dieu. Un dieu, ce sont des forces naturelles qui ont l’image de l’homme, qui agissent comme les hommes. Cela apparait uniquement au néolithique lorsque l’homme s’est aventuré à contrôler les forces de la nature, les autres formes de vie, animales ou végétales. Il a donné à ce dieu, cette forme car il avait l’intention ou l’ambition de dominer ces forces. Il a considéré que ce qui régissait ces forces, sans lui, avait l’image de l’homme également.
La mythologie depuis les origines.
Toutes les populations du monde vivent, depuis les origines et partout sur la terre avec un système de valeurs qui justifie leur propre mode de vie . Ce système est une métaphysique qui est régi par un système mythologique. La mythologie est une manière d’expliquer pourquoi l’homme est là et pourquoi il fonctionne de telle manière. C’est une façon de justifier le système de valeurs tel qu’il est utilisé dans telle société. La mythologie, par opposition à la religion est totalement universelle et explique ce qui se passe. Les activités sociales et les pensées sont le miroir dans lequel se reflète la manière dont la mythologie fonctionne: ils se justifient mutuellement. Il n’existe pas, dans la conscience humaine, quelque chose qui serait fait de manière aléatoire. Nous travaillons toujours par rapport à un système de valeurs qui nous dépassent, dans lesquelles se situent des Vérités, des choses qui entrent dans le domaine du sacré qui sont vraies et qui sont intangibles.
Un système de valeurs régit notre comportement.
Notre comportement se fait toujours par rapport à cette référence, à ces systèmes de valeurs qui nous sont supérieurs et que nous plaçons dans le domaine du sacré. Ce système à une valeur coercitive pour assurer sa préservation et une valeur éthique. De l’extérieur, il est visible que ce système fonctionne toujours de la même manière et que ça n’est qu’un système de valeurs et qu’il y a une structure toujours à peu près semblable. Nous sommes nous mêmes dans un système de valeurs qui nous auto-détermine sans que nous nous en rendions compte puisque nous sommes dedans. Cela peut nous amener à considérer les auto-déterminations dont nous sommes victimes aujourd’hui.
De l’harmonie à la domination de la nature
Les sociétés de production ont l’audace de défier la nature, comme dans les religions chrétiennes et juive, qui mettent en avant la volonté humaine, par opposition au mouvement naturel des choses. Aux yeux de Marcel Otte, ces tentatives sont fatales à court terme. Certaines sociétés, en harmonie avec la nature, peuvent subsister en parallèle. Il y a, à la fois , un mouvement éthique, voilà comment les choses doivent fonctionner, et un mouvement audacieux qui remet en cause cet équilibre là. Ce mouvement est peut-être dangereux mais propre à l’évolution de la pensée qui évolue comme l’univers ou comme la vie évoluent. La pensée se transforme de telle sorte que sur le plan moral, quelque soit les valeurs des écologistes aujourd’hui, on ne peut pas faire abstraction de l’histoire de la pensée, de toute son aventure, des origines, jusqu’à aujourd’hui, elle aboutit à notre situation actuelle. On peut éventuellement la modifier mais nous ne pouvons faire abstraction de la situation spirituelle dans laquelle nous sommes arrivés aujourd’hui.
Une volonté d’emprise: une tendance peut-être fatale
Au néolithique, on donne aux forces naturelles sa propre image, c’est le début de la fin. Cela commence à Gobekli Tepe en Turquie et cela s’étend ensuite. Ce processus s’étend en même temps que l’homme devient sédentaire et agriculteur, cette tendance est peut-être fatale, peut-être perverse. Il y a une tentative d’emprise sur l’espace et le temps à travers la délimitation d’un temple . Cette emprise se manifeste aussi à travers des images , entre autres, de félidés, animaux qui ne seront jamais domestiqués et qui échappent à cette domestication qui est déjà en cours. Ce lieu sacré , ces temples ont été comblés intentionnellement pour anéantir la force du temple.
La pensée métaphysique précède les modifications économiques et techniques
Pour Marcel Otte, la pensée métaphysique, révolutionnaire, sans doute, précède toute forme de modifications économiques ou techniques. Tout ce que les archéologues observent en amont, ne sont que les conséquences, en aval des modifications dans la pensée. Il y a d’abord une intention de capter les forces naturelles, par exemple par la sédentarisation qui exige une modification économique radicale et provoque une augmentation démographique en cascade et incontrôlable. A partir du moment ou l’on a défié, uniquement par une révolution métaphysique alors il y a une série de modifications en aval qui apparaissent après sur le plan archéologique, comme le polissage de la pierre.
Charles Darwin pour expliquer la révolution anthropologique du néolithique
Note personnelle: La découverte du lien de paternité et la réactivation de la sélection et de la compétition sexuelle, donc de la volonté de puissance et de contrôle attaché à cette compétition peut expliquer cette révolution métaphysique. Les psychologues Pierre Cousineau et Sylvie Coté affirment que, si nous ne pouvons pas changer le passé, nous pouvons changer la manière dont nous l’avons compris et cela peut entraîner une autre manière de nous percevoir et de nous comporter. Cette tendance, selon l’expression de Marcel Otte, n’est fatale ou perverse, que parce que nous n’avons pas encore saisi ce qui nous était arrivé et le système de valeurs dont notre espèce, et beaucoup d’autres, sont les victimes, du fait de cette incompréhension. Cette connaissance peut nous amener à abandonner notre hypertélie pour nous préserver.